La mise en scène de Vinci Avait Raison m’a appris que j’aime le quotidien du théâtre.
J’aime me lever le matin pour passer la journée avec les comédiens. Quand on se demande comment ça va, on écoute la réponse car on sait qu’elle influencera la journée. Tout viendra colorer la répétition : la fatigue de ceux qui ont des enfants et de ceux qui jouent le soir, les histoires de cœur, les régimes alimentaires, les conflits, les bonnes nouvelles, les événements familiaux, les ragots, la santé, les angoisses, l’actualité, les grèves des transports…
Au cinéma, j’ai appris à diriger les acteurs pour obtenir un résultat immédiat. Au théâtre, cette méthode s’avère inutile jusqu’à un certain point. Pendant les répétitions, j’ai compris que les comédiens joueraient chaque jour différemment car le jeu ne gagne rien à se figer. À moi de suivre leur météo et d’y placer des balises pour retrouver certains états par la suite. L’approche « de tournage » ne se révèle utile qu’au tout dernier moment, lorsqu’il faut décider ce que l’on fixe tandis que les contraintes techniques et rythmiques commencent à régner. C’est ce que Dominique Serron (la metteure en scène dont j’étais l’assistant il y a une douzaine d’années) appelait « retrousser ses manches pour couper des bûches ».
Le théâtre est la routine la plus agréable à laquelle je me sois adonné. Tous les jours c’est la même histoire, dans laquelle on cherche ce qui a changé, ce qui peut changer ou ce qui doit changer. Sur « Vinci », j’ai demandé à modifier un personnage du tout au tout à dix jours de la première, ce qui fut inconfortable, mais occasionna aussi un rafraîchissement de notre état créatif.
L’état créatif est à mes yeux le graal de l’acteur comme de tout artiste. Quand vous êtes dans cet état, vos idées s’associent sans effort, jaillissant joyeusement de votre préconscient comme les saumons jaillissent d’une rivière. Il ne nous reste plus qu’à nous changer en grizzlys pour les attraper au vol.