Ça s’est passé au Centre Culturel – et même contre-culturel ! – des Riches-Claires à Bruxelles, authentique espace de liberté artistique. La première édition de Video Killed the Radio Star fut un franc succès ! Enfin un festival pour mettre à l’honneur les débrouillards, les bricoleurs, les autodidactes, les grandes gueules, les introvertis, les geeks, ceux qui s’en foutent de tout, ceux qui foncent, qui poussent un cri du cœur, chargés de l’énergie de la musique, et qui n’attendent pas la permission de vingt-cinq décideurs pour se jeter à l’eau.
Ces trois jours dédiés à l’art du clip nous ont pris un an et demi à organiser. Nous avons reçu cent cinquante clips (et on en reçoit toujours, inlassablement, alors que la sélection s’est finie en mars) et en avons retenu trente-six. Notre processus n’était pas démocratique : il est arrivé qu’un clip, défendu par une seule personne mais avec véhémence, dame le pion à un autre qui remportait plusieurs voix. Ni lissage, ni consensus : des clips en liberté.
Quand on se tape cent cinquante clips, on devient un peu con, et on se surprend à être attentif à des détails étranges. Ainsi, on a relevé que la mode était d’écrire les titres en jaune, que les masques d’animaux étaient hyper répandus, et que les belges adoraient filmer des road-trips dans les grands espaces nord-américanisants de la Wallonie (influence de Bouli Lanners ?) On s’est aperçu que sur cent cinquante clips, on ne comptait que dix-huit réalisatrices créditées – et souvent en coréalisation. On a aussi présenté une sélection de clips québécois, et la salle a pleuré à chaudes larmes devant « La saison des pluies » de Yan England pour le chanteur Patrice Michaud.
On a organisé des tables rondes, où des prods, labels, réals et une attachée de presse ont témoigné de leur expérience dans la production et la diffusion de clips. L’art et l’industrie ont beau être interdépendants, on a encore fini par les opposer. En tant que directeur artistique, j’ai eu droit à mon petit caprice, et ce fut d’inviter le critique Patrice Blouin à donner une conférence « Du lyrique et du vidéo-clip » ; un régal pour l’esprit de l’ancien étudiant en cinéma que je suis.
Vendredi soir, on a écouté un ciné-concert flamboyant du trio We Stood Like Kings, qui a réécrit une musique pour le film « Koyaanisqatsi » de Godfrey Reggio. Samedi soir, on a assisté à la performance hypnotique du duo DJ/VJ Dwelllll, un montage live qui nous a promenés par associations d’idées. Les nuits, on dansait au son de DJ Mellow, accompagné par la VJ Visual Rubix.
Pendant tout ce temps, cinq équipes et cinq groupes se sont prêtés au jeu du « speed-clipping » : la réalisation d’un clip en trois jours. Ils n’ont eu peur de rien, et le dernier jour on a découvert les créations à peine sorties de leur macbook sur le grand écran du Cinéma Palace.
Et puis le jury a délibéré, avec exigence et bienveillance. On a dépouillé les votes du public, et on s’est aperçu que le public et le jury avaient voté pareil – ce qui nous a détendus.
J’avais bien assuré la cérémonie d’ouverture, avec une sorte de one-man-show de quinze minutes qui donnait le ton, familial et déconneur, du festival. J’ai ensuite géré n’importe comment la conduite du palmarès, qui était un joyeux bordel. Malgré le grand plaisir de récompenser, encourager et valoriser les artistes, j’avais l’impression de décerner des Oscars en rappelant avec tout mon être que l’on a tort de mettre l’art en compétition. Ca me rappelle Woody Allen, dans « Annie Hall » : « What’s with all these awards? They’re always giving out awards. Best Fascist Dictator: Adolf Hitler! »
Les réals étaient contents, les sponsors et partenaires étaient contents, on était tous très contents. Alors on a bu du Spritz, on a fait la fête, on s’est marrés, on a fait les cons sur la piste de danse, on s’est pris dans les bras, on s’est dit à l’année prochaine, et ce fut une fin de festival légère et insouciante. Cette heureuse parenthèse refermée, je retourne avec joie à ma vraie vie de réalisateur-scénariste-comédien, pour foncer vers les grandes aventures qui m’appellent.
JURY : Pour le monde de la musique : David Dehard, de Court-Circuit, Claire Monville, du Conseil de la Musique, et le chanteur Mustii. Pour le monde de l’audiovisuel : les réalisateurs Mathieu Mortelmans et Matthieu Frances, et Rv Le Phuez, directeur de programmation du FIFF.
ÉQUIPE : Maxime Pistorio (directeur artistique), Fanny Elza De Marco(productrice), Catherine Cribeiro (supervision speed-clipping), Bartolomeo La Punzina (communication audiovisuelle et réalisation des prix), Morgane Piéret et Amandine Fontaine (scénographie), Farah Boukhoms et Clara Farhat (stagiaires).
CONFÉRENCES : Baptiste Charles (screen.brussels), François-Xavier Kernkamp (Amplo), Seb Rekorder & Mitch Stach (Full Tunes Production), Damien Waselle ([PIAS] Belgium), Françoise Gallez (FWB) Benoît Goes(Label Allume la mèche), Cyprien Delire (Check / Digizik), Simon Vanrie(Nada Booking), Catherine Grenier (M.A.P.) Jean-Baptiste Goubard (Luik Records) et Patrice Blouin.
LES RICHES-CLAIRES : Riches-Claires Eric De Staercke, Catherine Tabard, Lilith Demoins, Zabou Thelen, Sébastien Schmit, Nathanael Leroy, Bartolomeo La Punzina, Stéphanie Gillard, Benoît Lavalard, Kelly Furtado, Caroline Jacquemin
PHOTOS : Nicolas Verfaillie
GAGNANTS : Durr Isidore, Ahmed Ayed, Alek et Les Japonaises, Ébbène (Palmarès complet sur la page de VKRS)